Henri Rousseau, le douanier au cœur naïf

Henri Rousseau, le survol de sa vie

Henri Rousseau, dit le Douanier, est né le 21 mai 1844 à Laval, en Mayenne. Il est mort de la gangrène à 66 ans, le 2 septembre 1910, à l’hôpital Necker de Paris.

Henri Rousseau est un peintre français. Il est adulé par tous comme un représentant majeur de l’art naïf moderne. Même si le maître préférait l’expression « primitif moderne » à « naïf ». L’art naïf se caractérise par un style qui ne respecte, entre autres, ni les perspectives, ni les intensités des couleurs. Le résultat évoque un style enfantin, d’où cette appellation « art naïf ».

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Autoportrait avec une lampe (1903)

Henri Rousseau est un peintre français. Il est adulé par tous comme un représentant majeur de l’art naïf moderne. Même si le maître préférait l’expression « primitif moderne » à « naïf ». L’art naïf se caractérise par un style qui ne respecte, entre autres, ni les perspectives, ni les intensités des couleurs. Le résultat évoque un style enfantin, d’où cette appellation « art naïf ».

Dans les œuvres de Rousseau, l’art naïf se caractérise par des tableaux richement colorés et méticuleusement détaillés de jungles luxuriantes, de bêtes sauvages et de personnages exotiques. Après avoir exposé avec les Fauves en 1905, il a gagné l’admiration des artistes d’avant-garde.

Henri Rousseau, ses premières années

Henri Rousseau, fils d’un ferblantier, est issu d’un milieu modeste. Quatrième enfant de Julien Rousseau et d’Éléonore Guiard, il suit sa scolarité de l’école primaire au lycée à Laval, sa ville natale. Il reçoit même un prix de dessin durant le lycée. Mais la situation financière de la famille les contraint à déménager plusieurs fois.

Aussi, Henri Rousseau ne termine pas ses études, pour lesquelles il se révèle peu doué. C’est ainsi qu’il entre au service d’un employeur de 1860 à 1863, l’avocat Fillon, qui basé sur Nantes. Henri lui dérobe 20 Francs et sera condamné à 1 an de prison pour vol et abus de confiance. Pour échapper à sa peine, il signe en 1864  un engagement volontaire dans l’armée, pour une durée de 7 ans.

C’est durant son service militaire qu’Henri Rousseau rencontre des soldats qui ont participé à l’expédition française au Mexique, qui s’est tenue de 1861 à 1867. Celle-ci visait à soutenir l’empereur Maximilien, frère cadet de l’empereur d’Autriche François-Joseph Ier. Napoléon III souhaitait faire du Mexique une puissante nation industrialisée et catholique , face aux Etats-Unis protestants et affaiblis par la guerre de Secession.

Henri Rousseau écoute avec un mélange d’avidité et de fascination les souvenirs des soldats rapatriés. Leurs descriptions de ce pays subtropical ont sans doute été la première source d’attrait et d’inspiration du futur douanier Rousseau pour les paysages exotiques. L’inspiration du peintre était si puissante que de nombreuses personnes étaient persuadées qu’il avait séjourné au Mexique… alors qu’il n’a jamais quitté la France !

Henri Rousseau : le peintre se découvre et se construit

Le soldat devient fonctionnaire

Henri Rousseau ne va rester que 4 ans dans l’armée. Libéré du service militaire à la mort de son père, et pour soutenir sa mère veuve, Rousseau s’installe en 1868 à Paris. L’année suivante, en 1869, il épouse Clémence Boitard, la fille d’un ébéniste. Ensemble, ils auront 9 enfants, mais 1 seul d’entre eux survivra à partir de 1886.

Henri Rousseau commence une carrière de petit fonctionnaire. Après la guerre de 1870, il devient commis à l’Octroi de Paris, en charge de taxer les importations de marchandises dans la ville. C’est de ce métier que lui viendra le nom de Douanier, par un raccourci fallacieux.

L’octroi, 1890

Le fonctionnaire devient peintre autodidacte

Et en 1872, Henri Rousseau commence officiellement sa carrière de dessinateur et de peintre autodidacte, plein de candeur et de mysticisme. Il est en effet persuadé que les esprits dirigent son pinceau, et il possède une très haute estime de lui-même. Malgré tout, bien ancré sur Terre, il poursuit son travail de bureaucrate et il continue de s’occuper de ses affaires familiales.

En 1884, il obtient la permission officiel de copier des tableaux du Louvre, grâce à une carte de copiste qu’il obtient cette année-là. En 1885, il tente d’exposer une première fois au Salon officiel mais sans succès. Son style artistique, naïf, ne complait pas aux exigences étroites du Salon officiel en matière de style et de sujet. Mais Rousseau ne se laisse pas décourager pour autant. Un an plus tard, en 1886, il expose pour la première fois quelques-unes de ses toiles au Salon des Indépendants, à plus de 40 ans.

Le peintre tardif expose… et s’expose !

Le Salon des Indépendants est une exposition annuelle qui a été créée par de jeunes peintres souhaitant contourner les exigences et les standards du Salon officiel. Henri Rousseau y exposa entre autres « Une soirée au carnaval », avec 3 autres de ses œuvres. Ce tableau est un véritable chef-d’œuvre du genre et représente un début impressionnant pour l’artiste.

« Une Soirée au carnaval » serait comme une retranscription littérale de « l’art naïf », où l’on retrouve déjà cette conception poétique de la peinture que Rousseau en a. Tout est littéralement et délibérément dessiné – chaque branche des arbres est tracée, les nuages ont une curieuse solidité, et une plus grande attention est accordée aux détails du costume qu’aux personnages eux-mêmes. Et les couleurs utilisées saisissent parfaitement l’atmosphère et l’ambiance de cette soirée magique.

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Une Soirée au carnaval, 1886

Malgré ce début prometteur, l’œuvre de Rousseau passe largement inaperçue. Sauf des critiques, qui vont exprimer pendant 7 longues années et avec mépris leurs railleries et leurs sarcasmes. Ces derniers vont même reprendre à leur compte le surnom que l’écrivain Alfred Jarry, ami du peintre, lui avait donné à partir de 1893 : Douanier. Henri Rousseau continue de travailler pour l’Ocroi de Paris tout en s’occupant de sa vie familiale… qui sera marquée par la tragédie. Sa femme meurt de la tuberculose en 1888 et une seule de ses filles parmi ses 9 enfants survivra. 

Le peintre incompris trouve la voie

Malgré tout, le fier… non, le candide Douanier Rousseau va poursuivre sa voie dans la peinture. Durant ces 7 longues années, il va exposer une vingtaine de tableaux au Salon des Indépendants. Sa ferveur artistique connait un tournant majeur avec l’Exposition universelle qui se tient à Paris en 1889. Il est probable que les reconstitutions de paysages sénégalais, tonkinois et tahitiens présentées à l’exposition aient inspiré l’exotisme de ses tableaux ultérieurs. L’enthousiasme de Rousseau pour la foire était tel qu’il écrivit une pièce de vaudeville intitulée « Une visite à l’Exposition de 1889 », mais qu’il ne réussit pas à faire produire.

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Moi-même Portrait et paysage, 1890

Dans cette pièce, comme dans d’autres œuvres théâtrales qu’il a écrites, sa naïveté se révèle encore plus que dans les aspects techniques de sa peinture. Cependant, son désir intense de s’exprimer artistiquement se révèle également, et il tente même de composer de la musique. Pourtant, son seul grand don était la peinture.

Quelques-unes de ses œuvres marquantes sont peintes durant cette période de la carrière de Rousseau. L’une d’elles est son autoportrait, « Moi-même : Portrait-paysage » (1890). Debout au premier plan, palette à la main, Rousseau est entouré du paysage parisien, qui est peint avec une grande précision. Il s’agit manifestement d’un « portrait de l’artiste » dans la tradition académique ; le sérieux du propos est impressionnant malgré la naïveté de l’exécution.

Enfin, en 1891, il expose son premier tableau mis en scène dans un paysage de jungle tropicale et exubérante: « Surpris » ou « Un tigre dans la tempête » (1891). Il y représente avec moult détails, dans ce style naïf qui le caractérise, la progression d’un tigre dans une jungle luxuriante. Une jungle dont la flore fantaisiste mais retranscrite avec précision, contribue à l’ambiance à la fois poétique et onirique. Ce tableau reçoit l’incroyable critique de l’artiste Félix Vallotton, qui considère qu’il s’agit là de « l’alpha et d’oméga de la peinture ». La notoriété du Douanier est en route.

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Surpris ! ou Tigre dans une tempête tropicale, 1891

Henri Rousseau : l’artiste est adulé

Le « douanier » démissionne et se consacre

En 1893, Rousseau se retire de la maison de péage pour se consacrer entièrement à la peinture. A peu de choses près. Le peintre va donner des cours de violon et écrire des pièces de théâtre pour subvenir à ses besoins car la peinture ne suffit pas à le nourrir. Pas encore, du moins. Plus d’une centaine de ses tableaux serviront de monnaie d’échange pour ses besoins du quotidien. Nombre d’entre eux seront irrémédiablement perdus par la suite. A la même époque, Rousseau fait la connaissance d’Alfred Jarry, un jeune et brillant écrivain, également originaire de Laval. Rousseau va même héberger Jarry pendant quelque temps.

Ainsi, Alfred Jarry découvre le travail quotidien et inhabituel que Rousseau, grand solitaire, accomplit. Et l’écrivain en est tellement impressionné qu’il introduit son ami le Douanier autodidacte dans le cercle des intellectuels associés à la revue d’avant-garde « Le Mercure de France ». C’est cette revue qui publie pour la première fois un article faisant l’éloge de Rousseau.

L’article est écrit en rapport avec son tableau « La Guerre » (1894), exposé au Salon des Indépendants de 1894. Ce tableau, naïf, allégorique mais si puissant finit par convaincre que Rousseau est bien plus qu’un paysagiste mineur. Cette œuvre marque le début de la reconnaissance de Rousseau en tant que peintre sérieux. 

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La guerre, 1894

Son tableau le plus important de cette période est « La Bohémienne endormie » (1897). Ce chef-d’œuvre représente une femme endormie dans un désert éclairé par la lune. Un énorme lion se tient debout au-dessus d’elle, comme fasciné ou hypnotisé. Le paysage est complètement dénudé, à l’exception de la cruche et de la mandoline de la femme. Dans ce tableau, la technique de Rousseau était extrêmement primitive ; la femme est couchée sur le sol, raide, tenant toujours son bâton de marche, et son visage souriant est rendu de manière enfantine. Les rayures de sa robe et les poils de la crinière du lion sont tracés individuellement d’une manière naïve mais décorative, presque abstraite. Le tableau est cependant merveilleusement expressif. Le sourire de la femme, l’œil fixe du lion, le paysage dénudé et surnaturel, et la torsion fantaisiste au bout de la queue du lion unissent des sentiments opposés de paix et de danger, de mystère solennel et de fantaisie, en une puissante expression d’enchantement magique.

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La Bohémienne endormie, 1897

Le Douanier est adulé

La réputation du Douanier se construit de plus en plus dans le milieu. Il est de plus en plus reconnu et des peintres avant-gardistes, comme André Derain ou Henri Matisse font ouvertement l’éloge de son travail. Henri Rousseau va se lier d’amitié à cette période aussi avec des géants comme Robert Delaunay ou le jeune Pablo Picasso. Le poète et écrivain Guillaume Apollinaire devient le principal soutien de Rousseau.

La vie personnelle d’Henri Rousseau s’éclaircit en même temps que sa carrière d’artiste. Il se remarie en 1899 avec Joséphine-Rosalie Nourry, veuve, mais qui décède 4 ans plus tard en 1903. En 1901, il devient professeur de dessin et de peinture à l’Association philotechnique. Après toutes ces années à supporter les railleries et autres critiques, ce poste constitue une véritable réussite sociale.

En 1903, le Salon d’automne est créé. Il permet de faire découvrir l’impressionnisme au public. De façon générale, il permet aux jeunes artistes, des peintres aux photographes en passant par les graveurs et les sculpteurs, d’exposer leurs créations. En 1905, Rousseau est invité à ce Salon d’automne. Son tableau « Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope » (1905) est accroché dans la même salle que les œuvres des fauvistes, courant naissant de l’art moderne. Rousseau est ainsi exposé aux côtés de Henri Matisse, André Derain et Maurice de Vlaminck. Les critiques commencent enfin à parler de Rousseau sous un jour positif.

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Le lion, ayant faim, se jette sur l’antilope, 1905

4 ans plus tard, en 1909, le Douanier vend ses premiers tableaux à Ambroise Vollard, le plus important marchand de tableaux modernes de Paris. Ce qui permet à Rousseau de s’acheter son atelier rue de Perrel, à Paris.

En 1908, Picasso organise dans son atelier un banquet en l’honneur de Rousseau, auquel sont invités les artistes et les critiques les plus sophistiqués de son époque.

Le Douanier est consacré

Au cours de ses dernières années, Rousseau a surtout peint des paysages exotiques, dont « Le lion affamé » est le premier exemple majeur. Ces tableaux sont caractérisés par une profusion de plantes exotiques peintes avec un grand souci du détail. Les nombreuses formes de feuilles différentes que Rousseau a représentées sont probablement basées sur celles observées au Jardin des Plantes Paris, ainsi que dans les nombreuses revues de botanique qui existaient déjà à l’époque. Il a rendu chaque feuille séparément, mais en gardant à l’esprit la conception d’ensemble ; chaque branche de feuilles constitue un motif presque abstrait. Au milieu de cette densité végétale, des oiseaux colorés volent et des animaux mystérieux regardent fixement le spectateur. Un incident dramatique se déroule généralement au centre, tel qu’un lion attaquant sa proie, ce qui correspond à la prédilection de Rousseau pour les récits grandioses, historiques et dramatiques de la peinture académique traditionnelle.

Peu avant sa mort, Rousseau a peint le plus ambitieux de ses tableaux de jungle, « Le Rêve » (1910), que l’on appelle également « Le Rêve de Yadivigha ». Le maître a peint l’une de ses plus grandes œuvres. Dans cette impressionnante fantaisie, un nu enchanteur se repose sur un canapé victorien en velours rouge, au milieu d’une jungle dense. D’énormes fleurs ondulent autour de sa tête, deux lions et un éléphant sortent du sous-bois et un musicien joue de la flûte derrière elle. Rousseau explique que la femme, après s’être endormie sur le canapé, rêve qu’elle est transportée dans cette région fantasmagorique. Ce tableau, où l’on retrouve tout le talent descriptif et expressif de Rousseau, est une révélation suprême de son imagination puissante et peu commune.

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Le Rêve ou Le Rêve de Yadivigha, 1910

L’héritage de Henri Rousseau, dit « le Douanier »

La réputation de Rousseau s’est accrue après sa mort ; il a été honoré par une exposition rétrospective au Salon des Indépendants en 1911. En 1912, le peintre Wassily Kandinsky a écrit un article admiratif sur Rousseau dans sa revue expressionniste Der Blue Reiter. Outre l’intérêt qu’il a suscité pour l’art naïf au XXe siècle, on pense qu’il a également influencé les paysages oniriques d’artistes surréalistes tels que Paul Delvaux et Max Ernst.

La postérité retiendra de façon certaine son emblématique « Charmeuse de Serpents » (1907).

Plusieurs de ses oeuvres se sont vendus pour des millions d’euros. Son « Portrait de Joseph Brummer » (1909) s’est vendu à plus de 3 millions d’euros en 1993 chez Christie’s. « Deux lions à l’affût dans la jungle » (1910) s’est vendu à plus de 2 millions d’euros dollars en 2016 à l’Hôtel des Ventes de Monte-Carlo. 

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La Charmeuse de serpents (1907)

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